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1Monsegneur, vous verrés par les lettres du roy comme il nous a
2accordé que vous reteniés deulx companies des quatre qu’il vous avoit
3mandé faire lever en vostre gouvernement. Si vous voyez cy-après
4que les quatre vous soint nécessaires et qu’il vous plaise en donner
5advis au roy, et que messieurs du pays en présentent encor requête qu’ilz
6m’envoyeront, on pourra encor gaigner les autres deulx. Vous verrés
7ce que j’en ay remonstré sur ce qu’il vous a pleu m’en escrire
8et sur les mémoires de messieurs du pays. Touttesfois, comme je leur
9escris, les affaires du Languedoc sont les mesmes affaires
10du Daulphiné où, si le danger de noz villes ne nous arrestoit
11nous debvrions tous courir comme au feu qui, s’il n’est arresté,
12se jettera sans doubte en noz maisons ; mais aussi il est bien
13raisonnable d’asseurer premier noz villes et noz maisons qu’aller
14au secours de noz voisins, oultre ce qu’est du service du
15roi. Je scay bien l’affection que vous avez à monsieur le marechal
16de Dampville et à ce qu’est de son adventaige et grandeur, et
17ce qu’aussy de sa part il se promet de vous et de voz moyens,
18comme vous les luy avez desparty aussi aux derniers troubles lorsque
19vous luy envoyastes le capitaine Mestral. Vous en demeurerés,
20comme je m’asseure, de bon accord, car mondit sieur le marechal
21entend fort bien que ce ne seroit pas le service du roy de perdre
22en votre gouvernement soubz couleur et espérance d’aller gaigner
23dans le sien. Comme la dépêche fut commandée, je parlis à monsieur
24de Sauve de la particularité contenue en votre lettre touchant
25les gentilzhommes qu’avez mis puis le moys d’aoust au gouvernement
26des villes, mais il a voulu que cela demeure à votre discrétion.
27Monsieur d’Évènes vous peut escrire ce que monsieur de Saint-Jehan luy
28a dict comme il a faict à moy de la plaincte de son beau-frère
29pour n’avoir esté remis dans Valence. Le mesme jour que
30Bourgel arriva en ceste ville, que fut le XIXe, nous avons receu les vostres
31[v] du XXVIe novembre. Vous pouvés avoir receu la response
32du roy à votre lettre du XVIIe dudit moys, de quoy je vous ay escrit
33cy-devant. Je suis bien aise que despuis, monsegneur le prince
34vous aye enfin accordé la chastelenie de Grane, après avoir
35tant tardé à vous en faire response. Le XXe, le secrétaire Bertrand
36me rendit la vostre du IIIIe de ce moys, faisant mention de
37la mienne du XIXe du passé. Despuis, vous en aurés receu
38plusieurs autres, et sceu comme le XVIe ce me semble de ce
39moys, le roy fut blécé au bras par ung Allemand appellé Chelegue
40comme tous deulx couroint et frapoint sur ung sanglier. Le roy
41despuis n’a bougé du Louvre. Du jour mesme, la royne sa mère
42fut fort pressée d’ung catharre don elle se douloit quelzques
43jours au paravant, qui luy descendoit par la joue gauche
44et c’est arresté soubz la machoire avec enfleure et inflammation.
45On ne scait encore si l’enfleure se résouldra ou si elle aposthumera.
46Il y a six jours qu’elle tient le lict, mais à présent sans
47péril. Le conseil se tient, puis l’allègement de son mal, en sa
48chambre. Le sieur de Mauvissière est de retour d’Angleterre
49où il dict qu’il y [a] grand nombre de François retirés,
50qu’ouvertement la royne d’Angleterre ne dict encor mot, mais
51que l’on ne doibt pas estre du tout sans craincte de ce costé-là,
52que Montgomery essaye à armer quelzques vaisseaux comme
53faict aussi ung autre huguenot nommé Saure. De
54ce matin, on parle de la mort du roy d’Espaigne et que
55ceste nuict passée, on a envoyé quérir le sieur André de
56Birague pour le dépêcher en Piedmont. Si cela est, nous aurons
57peut-estre regret à la mort des huguenotz et d’avoir
58laissé passer les beaux moyens et grandz advantaiges que
59nous avions sur les Pays-Bas. Monsieur de Duras part
60ce jourd’huy pour aller devers sa Sainteté à Rome prester
61l’obédience pour le roy de Navarre. Messieurs du pays vous feront
62[334] voir son ordonnance pour le restablissement de la religion catholique
63en son pays de Béarn. Messieurs de la cour de parlement ont
64devant eulx les facultés de monsieur le légat pour les vérifier.
65On ne parle que de partir pour La Rochelle. On tient que
66monsieur l’amiral a beaucoup de gens de guerre pour
67assiéger Montauban, mais que ilz treuvent les vivres fort
68courtz. Au reste, Monsieur, voz lettres pour Grane sont encor
69à sceller à cause de la maladie qu’a esté mortelle
70de feu madame la présidente de Birague, que fut hyer
71enterrée. Je présente pour la fin mes très humbles recommandations
72à votre bonne grâce et de celle de monsieur de La Roche.
73Je prie Dieu,
74Monseigneur, qui vous doint très longue et heureuse vie.
75De Paris, ce XXIIIIe décembre 1572.
76Votre très humble serviteur.
77So. de Boczosel
78De ce XXIIIIe, veille de Noël, au soir, notre dépêche est encor ez mains de monsieur de Saulve.
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